Monique et Alain Vergély

La Ferme du Caïrou

En sortant des Gorges du Tarn par le col de Coperlac, on débouche sur la plaine du Causse Méjean. Au bout de la ligne droite, se trouve le village de Carnac avec ses 4 exploitations. Les canards, en bord de route, indiquent celle de Monique et Alain.

Des moutons aux canards sur un souvenir de vacances

En 1980, Alain et Monique se marient et la même année s’installent en GAEC avec Gilles, le frère d’Alain. L’élevage de brebis produit du lait pour Roquefort. Le travail de la ferme est surtout l’affaire des deux hommes. Monique, originaire d’une ferme du Causse Méjean, se demande, avec d’autres femmes dans la même situation, « comment faire leur place ? ». 

Dans le cadre du Groupement de Vulgarisation Agricole, elles mènent une réflexion qui aboutira à la création d’ateliers complémentaires pour la transformation. Tout le monde, sauf Monique, s’oriente vers le cochon car il y a, comme partout en Lozère, la tradition du cochon élevé et transformé pour la famille. Monique avait de la famille en Dordogne et au cours de vacances, elle avait vu des élevages de canards et bien aimé les étals des marchés, alors pourquoi pas le canard ? Les débuts ont été modestes pour maîtriser progressivement l’élevage et la transformation. L’atelier s’est développé avec la construction successive de petits bâtiments autour desquels les canards peuvent s’ébattre tranquillement. Alain et Monique sont sortis progressivement du GAEC pour, à partir de 2002, se consacrer uniquement à l’atelier « canard ». Aujourd’hui, c’est 1100 canards mulards qui sont élevés par bande de 100. Ils arrivent à 1 jour, 2 bandes à la fois, en provenance d’un couvoir national. Ils sont élevés de 14 à 17 semaines avant d’être gavés pendant 12 jours avec du maïs trempé dans l’eau pour être mieux ingéré. Au début, un stage de formation à Mirande leur a donné les bases mais c’est l’expérience permettant d’ajuster les petits détails qui fait la différence et puis « quand on veut quelque chose, on le peut ».

Producteur Coeur Lozère

Monique et Alain Vergély • La ferme du Caïrou

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Délices de tendresse et Pâté des abeilles

Pour la transformation aussi, Monique a fait plusieurs stages de formation au lycée agro-alimentaire de Périgueux. Il y a eu les échanges de recettes avec une autre productrice du Gard qui, pendant quelques années, venait utiliser l’atelier de la coopérative. Mais surtout, il y a eu l’imagination et le talent culinaire de Monique. On a coutume de dire que « tout est bon dans le cochon », alors, elle a essayé de faire de même avec les canards. Bien sûr, on trouve le classique foie gras en conserve ou frais, notamment pour les fêtes, ainsi que les magrets et confits. Mais on trouve aussi des plats cuisinés originaux: confit de canard aux lentilles du Puy, cassoulet de canard, canard aux cèpes ou canard à la cévenole avec des oignons et des châtaignes. Des plats qui ne dépareraient pas sur les tables des restaurants étoilés où leur troisième fils exerce en cuisine. Mais que dire des « Délices de tendresse », ces bocaux qui laissent voir des cœurs de canard farcis au foie gras, ou le « Pâté des abeilles » qui marrie harmonieusement du pâté au foie gras avec du miel du Causse. Aujourd’hui, c’est une trentaine de produits à base de canards qui sont proposés dans le joli petit magasin construit à côté de la maison, visible de la route principale. On peut aussi trouver tous ces produits, pendant l’été, dans la boutique des producteurs tenue à tour de rôle à Meyrueis ou sur le marché de producteurs de Florac ou le marché nocturne de Bagnols les Bains. Pendant toute l’année, 4 magasins du département font la promotion de ces produits et une fois par an, La Maison de La Lozère à Paris passe sa commande.

La fierté d’une longue et belle aventure collective

Aujourd’hui, Monique est la présidente de la coopérative Causses-Lozère, succédant à Michel Védrines qui l’avait été pendant 20 ans. C’est en quelque sorte, un juste retour des choses, car, au départ, « c’était une affaire des femmes qui ont entrainé les hommes » ; et aujourd’hui, c’est l’affaire de tous. Du début, jusqu’à ce jour, les hommes sont toujours passés avant la technique. C’est pourquoi, les adhérents de la coopérative ont d’abord appris à travailler ensemble dans des locaux du Centre de Formation de Florac puis, avec l’accord compréhensif des services concernés, dans les locaux inutilisés de la laiterie voisine. En 1992, ils se sont lancés, avec l’appui des collectivités locales, dans la construction de leur propre atelier. Mais la richesse de cette petite coopérative, c’est sa banque de travail. Pour pouvoir transformer efficacement les cochons ou une bande de canards, il faut du monde et ce monde, ils ont décidé que ce serait eux plutôt que de la main d’œuvre salariée. Travailler ensemble, c’est aussi une garantie que les locaux sont bien entretenus et laissés propres à la fin de chaque chantier. Partant du principe que « les bons comptes font les bons amis », dès le début, la banque de travail a été mise en place. Le temps passé pour les uns ou les autres est comptabilisé par la banque et quand on reçoit l’aide des uns ou des autres, c’est aussi comptabilisé par la banque. Trois fois par an, à l’occasion de la planification de l’utilisation de l’atelier, les comptes sont faits pour chacun entre les heures apportées et les heures reçues de façon à rééquilibrer sur la période suivante. Cette banque n’a pas de coffre-fort mais elle est riche du travail et du savoir-faire de tous. Sur le plateau où les fermes sont isolées, l’atelier est un lieu de rencontre où l’on vient avec plaisir. Quant au repas préparé par celui pour lequel on travaille, c’est un moment d’amitié où s’échangent les informations, se partagent les problèmes et se transmet la mémoire entre générations. Une belle histoire qui dure depuis 30 ans; une belle aventure collective dont chacun peut être fier.

* Extrait du Livre « Des femmes & des hommes une histoire de passion » publié en 2015, en vente à Hyper U Coeur Lozère.