Bertrand et Léa Chopin

 

Thort, situé sur un col à 1120 mètres d’altitude, est un petit village de la commune de La Bastide-Puylaurent, le point culminant de la ligne ferroviaire Paris-Nimes, tout près de l’ Abbaye de Notre Dame des Neiges. Traversé par la fameuse voie Régordane, Il fait un peu la liaison entre la Lozère et l’Ardèche et entre les Cévennes et la Margeride.

Ouvrier coopérateur horticole

Natif de La Sarthe, Bertrand fait des études d’horticulture à Orléans qui l’amènent à travailler chez un horticulteur. De 1976 à 1980, il intègre la coopérative ouvrière « les jardiniers de Paris » à Corbeil pour cultiver des fleurs sous serres. Mais déjà, le goût de l’élevage le tenaillait, au point d’avoir une chèvre, son animal préféré. Au bout de 4 ans, il revend ses parts et, avec son épouse qui travaillait aussi dans l’horticulture, ils embarquent leurs deux enfants en bas âge et la chèvre dans la 2 Chevaux Citroën et prennent la route du Sud. Au hasard, ils atterrissent à Lugdares, une petite commune ardéchoise à 10 kilomètres de La Bastide où la SAFER de la Lozère leur a signalé une ferme à louer.

Producteur Coeur Lozère

Laurent Augier • Vache48

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« Petit à petit devenus de vrais paysans »

Très bien accueillis par la population, ils montent un troupeau de 50 chèvres de race Alpine. Pendant 4 ans, ils apprennent le métier d’éleveur sur le tas, avec les bons conseils de voisins éleveurs. Lassés par un fermage exagéré d’un propriétaire qui les prenait pour des « parisiens », ils cherchent une autre opportunité. Le Crédit Agricole leur propose alors d’acheter la ferme d’un jeune éleveur de moutons qui arrêtait pour partir sur Paris : un chemin inverse du leur. Le prix était convenable et la banque proposait de reprendre l’ensemble des prêts du vendeur. Une formation agricole de 200 heures permettait d’obtenir la dotation Jeune Agriculteur. L’installation s’est donc faite dans une maison et une étable avec grange dans le village du Thort. Là encore, l’accueil a été bon, d’autant que les chasseurs de Lugdares les avaient présentés favorablement à leurs collègues du coin avec qui ils partagent les territoires de chasse. 

Pour autant les débuts ont été difficiles avec beaucoup de travail sur la ferme. Pendant 10 ans, quelques travaux divers et surtout le travail saisonnier, avec son épouse, dans la station de ski voisine permettent de ramener un complément de revenu. Une petite fromagerie avait été construite dans le vieux bâtiment. En 1986, le manque de place et la nécessité de mises aux normes ont amené à construire, en bordure du village, un nouveau bâtiment avec la fromagerie attenante à la chèvrerie. La maison d’habitation sera construite au-dessus et les anciens bâtiments vendus comme résidence secondaire. Entre temps, le troupeau est monté à 120 chèvres, les 50 hectares ont été mis en valeur pour assurer l’autonomie fourragère, notamment par des défrichages. De quoi pouvoir dire : « petit à petit, on est devenu de vrais paysans ».

Un joli plateau de fromage à la Chèvrerie du Dolmen

Au départ, les fromages se vendaient sur place, sur quelques marchés mais surtout à Notre Dame des Neige où beaucoup de touristes ou de pèlerins fréquentaient le magasin ecclésiastique qui proposait aussi des produits locaux. Petit à petit la clientèle s’est développée avec des magasins et la gamme de fromages s’est élargie, d’autant que les nouveaux locaux permettaient de transformer le lait collecté chez d’autres producteurs. En 2000, ne pouvant tout faire, même avec un salarié, il a fallu faire un choix: le troupeau et les terres ont été revendus pour se concentrer sur la laiterie. D’éleveur, Christian devient artisan fromager. En 2003, sa fille Léa et son ami le rejoignent pour créer une société qui s’appelle «  La chèvrerie du Dolmen » en référence au dolmen qui se dresse sur les terres de l’exploitation. Un temps, la chèvrerie libérée est transformée en ferme-auberge mais le développement de la fromagerie nécessite plus de travail et d’attention. Il a fallu fidéliser, notamment par un prix plus rémunérateur, 5 producteurs de lait dans un rayon assez proche qui fournissent 200 000 litres par an. Ils sont collectés tous les 2 jours et le caillage du lait cru a lieu dès le retour de tournée. La Tome du Dolmen pour la découpe ou la raclette, la Tome ou la Tommette des Fadets – ces petits lutins qui tournaient autour des dolmens – sont moulées le jour même. Le Caprice de Thort et le Régordanou, au caillage plus long, sont moulés le lendemain. Progressivement ce plateau de fromage est complété par du fromage de vache, toujours au lait cru, avec La Tommette La Marcade et le petit Cœur de Vache en forme de cœur. L’atelier tourne toute l’année avec un pic de production en mai-juin qui permet des stocks pour l’été.

Une tournée le mardi sur Alès, une sur Mende le mercredi et une autre sur Le Puy le jeudi permettent de livrer les nombreux points de vente en magasins ou restaurants. Christian aime particulièrement ce contact avec les clients fidèles à qui il peut expliquer les changements de couleur ou de goût liés, en particulier, aux saisons quand on travaille artisanalement avec du lait cru. L’idée est d’ailleurs de développer cette spécificité en construisant une cave enterrée dans le relief pentu permettant de profiter de l’altitude et du climat pour un affinage naturel.

Le développement maîtrisé de la Chèvrerie des Dolmen devrait permettre à Christian et Léa de prendre un peu plus de temps pour leurs vies familiales respectives. Comme il l’avait dit pour sa vie de paysan, Christian pourrait dire aujourd’hui : « petit à petit, on est devenus des vrais fromagers».

* Extrait du Livre « Des femmes & des hommes une histoire de passion » publié en 2015, en vente à Hyper U Coeur Lozère.