Bertrand Servières et Élisabeth Boyé
Domaine de Cabridelles
Nichée dans les Gorges du Tarn, Ispagnac, surnommé « le jardin de la Lozère », a toujours été connu pour sa production de fraises, de cerises mais aussi pour sa cartagène et plus récemment, pour son eau pétillante. Aujourd’hui, Ispagnac redevient la capitale viticole de la Lozère avec un vignoble qui renait.
Des hasards, des rencontres, une histoire
Bertrand et Elisabeth se sont rencontrés sur les bancs du lycée agricole de Montpellier où tous les deux préparaient un BTS. C’est un voisin, vigneron à Saint Victor La Coste dans les Cotes du Rhône, qui a donné à Bertrand, dès son enfance, le goût des vignes et des caves, l’amenant ainsi à faire un BTS viticulture-œnologie. C’est pour préparer le concours d’institutrice, qu’Elisabeth a choisi de faire le même BTS, dans sa ville natale.
Les études les ayant réunis, ils décident de partir travailler 2 ou 3 ans dans le bordelais. Cette expérience durera finalement 14 ans, les faisant passer de salariés à chef d’exploitation d’un domaine viti-vinicole pour Bertrand et enseignante de cette spécialité pour Elisabeth.
Pendant ce temps, à Ispagnac, un groupe d’amis prend l’apéritif sur la terrasse d’un café. Un des convives lance : «c’est dommage qu’on ne puisse pas boire un vin d’ici comme le faisaient nos parents et grands-parents ! ». Une autre convive, ayant fait des études d’œnologie, répliqua: « c’est possible ! ». Il faut dire qu’en 1964, Ispagnac comptait encore une centaine de vignerons sur 110 hectares de vignes. Celui qui avait lancé l’idée porta la proposition au conseil municipal où il était adjoint. L’idée fit son chemin et fut reprise par le SIVOM « Grand Site des Gorges du Tarn » qui en étudia la faisabilité. Cela déboucha sur le projet d’installer deux vignerons.
Elisabeth, cherchant du travail, consulte les publications spécialisées. Trois petites lignes noyées dans des colonnes d’annonces: un vignoble à recréer en Lozère. Ce n’est pas tous les jours qu’une telle proposition se présente; de plus en Lozère, à laquelle Bertrand, natif de Barre des Cévennes, est très attaché. Ils répondent donc à cette proposition.
Producteur Coeur Lozère
Bertrand Servières et Élisabeth Boyé • Domaine de Cabridelles
Un défi pour lever le scepticisme
En 2004, ils viennent voir et défendre leur candidature avec un projet qui remporte l’adhésion du jury. Il fallait une bonne dose d’enthousiasme et de jeunesse pour convaincre les décideurs dont quelques uns affichaient un certain scepticisme : « Planter de la vigne en Lozère quand le Midi arrache ! pourquoi y arriverait-on aujourd’hui quand les anciens n’y sont pas arrivés ? son calucs (ils sont fous) ! »
2005 sera l’année de transition avec la préparation du départ de Bordeaux, le montage du dossier administratif, la recherche d’un logement et le projet, avec la mairie, de construction de la cave. Mais ce sera aussi une belle année de joie familiale avec la naissance de Camille.
Il a fallu trouver les six hectares prévues par le projet: 17 propriétaires, sur les communes de Quézac, Sainte Enimie et Ispagnac, ont bien voulu louer leurs parcelles et participer ainsi à la renaissance d’un patrimoine qui, autrefois, façonnait le paysage et faisait vivre les familles de ces gorges.
2006 sera véritablement l’année de démarrage avec l’installation à Ispagnac. En 3 ans, 5 hectares seront plantés sur 30 anciennes parcelles avec des cépages précoces comme le Chardonnay et le Pinot Noir venant de Bourgogne et Champagne, le Syrah qu’on trouve dans les Côtes du Rhone, le Marselan, un cépage métis issu du croisement du Cabernet Sauvignon et le Grenache Noir, ainsi que le Sauvignon ramené de Bordeaux par Elisabeth et Bertrand.
Aujourd’hui, tout le monde est fier de voir le projet, auquel il a contribué d’une façon ou d’une autre, mené à bien. Pour Bertrand et Elisabeth, c’est la fierté d’avoir justifié la confiance et l’accueil chaleureux qui leur a été fait.
Une aventure et une passion partagée
Tout était à faire. Défricher, refaire les terrasses, réparer les murets en pierre sèche, planter les pieds de vignes… a nécessité des moyens techniques et humains importants.
La sécheresse de 2006 les a amenés à » jouer les Jean de Florette » pour sauver leurs jeunes plants. Enfin, 2008 voyait les premiers raisins et la première récolte. Contrariée par une tempête qui cassait les branches, elle fut petite mais très encourageante, venant récompenser la pugnacité des vignerons, rassurer les sceptiques et étonner les autres. La maîtrise de la production et de la vinification vient avec l’adaptation progressive à ce terroir. Le microclimat permet trois fois moins de traitements qu’ailleurs et à l’approche des vendanges, l’alternance de la chaleur du jour et du froid de la nuit exacerbe la couleur, les tannins fins et les arômes des raisins.
Aujourd’hui, Elisabeth et Bertrand ont la satisfaction de présenter une gamme qui est le reflet de ce terroir et de leur expérience. La cuvée « Pierres Blanches » rend hommage à ces terres qui revivent. La cuvée « A mi coteau » vous transporte dans les terrasses mais suggère aussi toute la chaine d’amitié dont ce vin est le résultat après des vendanges où se retrouvent des fidèles de tous horizons venant partager ce moment convivial. La cuvée « à 4 mains », élevée en barriques de chêne, est le clin d’œil au travail conjoint d’Elisabeth et Bertrand fait de beaucoup de sueur pour arriver à ce résultat.
Toutes les étiquettes portent fièrement la mention « Domaine des Cabridelles » avec le dessin de la fleur de cette salade sauvage caractéristique des Gorges du Tarn.
Des trophées « Lozère gourmande » viennent régulièrement récompenser la qualité des vins de nos deux vignerons. Aujourd’hui, 20% de la production honore la carte d’une quarantaine de restaurants, 20% trouve sa place dans les rayons des magasins et 60% sont vendus directement au caveau où c’est l’occasion pour Bertrand et Elisabeth de faire partager leur aventure et leur passion.
* Extrait du Livre « Des femmes & des hommes une histoire de passion » publié en 2015, en vente à Hyper U Coeur Lozère.