Elisabeth Pajot

Les champignons d’Elisabeth

Au nord-est de la Lozère, Grandrieu est une petite commune de Margeride qui tire son nom du ruisseau (« Grand Ruisseau » en patois) qui le borde. Cette petite bourgade de 800 habitants, faite de granit et de lauzes, est à égale distance de Mende et du Puy en Velay, dans ce qui était le Haut Gévaudan.

Une occupation d’appoint qui devient un métier

Native de Grandrieu, Elisabeth a pas mal voyagé dans sa jeunesse au gré des emplois saisonniers avant de revenir se fixer au pays. Un temps elle a tenu le bar familial qui jouxte sa maison avant d’arrêter pour élever ses deux enfants. Quand elle a voulu reprendre une activité, il n’y avait pas grand-chose qui lui convenait sur place. L’activité de cueillette a toujours existé en Margeride avec un réseau de collecteurs. Cela permettait aux parents de moins regarder aux dépense de rentrée scolaire et aux jeunes de financer leur première mobylette. 

Cherchant une activité indépendante, pouvant se faire à la maison, elle a donc pensé à la cueillette de champignons. Peu à peu, elle fait sécher ses cueillettes et les propose à la vente au Marché de Noël. L’activité se développe petit à petit et elle commence à vendre sur le marché du dimanche de Grandrieu. Face à la demande, en 2006, elle crée sa petite entreprise qu’elle appelle « Cueillettes en Margeride ». De ce qui était un passe-temps qui apportait un petit appoint au foyer, elle en fait ainsi son métier.

Producteur Coeur Lozère

Elisabeth Pajot • Les champignons d'Elisabeth

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La cueillette, ça s’apprend

Le champignon présente une double difficulté : il faut qu’il y en ait et ensuite il faut les trouver… La Margeride, avec ses nombreux bois et son agriculture extensive, est un lieu privilégié pour la pousse des champignons. Bien sûr le climat de l’année est déterminant pour faire de 2014 une très bonne année avec cinq mois de pousse mais après trois années assez pauvres. Quelques morilles en avril précèdent les mousserons puis viennent les girolles, coulemelles, grisets, pieds de mouton et bien sûr le « roi » cèpe ; tous ces champignons intéressent Elisabeth. Certaines personnes ont une sorte de don pour trouver les champignons ; ce n’est pas le cas d’Elisabeth. Mais si on aime ça, la cueillette ça s’apprend, avec de la patience et l’observation pour acquérir la sensibilité. Il faut bien sûr aimer la marche et avoir le sens de l’orientation pour ne pas se perdre mais aussi pour retrouver ses coins à champignons d’une année sur l’autre. C’est d’autant plus vrai pour Elisabeth qu’elle fait de la cueillette un moment de plaisir dans des endroits souvent isolés. Elle essaie de s’éloigner des ramasseurs, venant parfois de loin, en hordes bruyantes, dans les endroits faciles d’accès en voiture, sans souci de protéger la ressource. Elle cueille aussi des myrtilles dans les sous-bois mais les années sont très variables et la position courbée permanente pour manier le peigne fait comprendre à son dos que la terre est basse ! Sa cueillette personnelle représente l’essentiel de sa production et elle complète avec ce que lui apportent les cueilleurs locaux dont le ramassage dépasse parfois la consommation familiale.

Des produits artisanaux

La cueillette occupe une bonne partie de l’année, d’autant qu’il faut à chaque retour, enlever la terre, nettoyer, faire un tri et préparer les champignons. La plupart sont découpés en lamelles pour être séchés naturellement dans un séchoir fait maison : une simple superposition de clayettes grillagées pour faire circuler l’air ; une fois séchés, les champignons sont stockés à l’abri de la lumière et de l’humidité. Les plus petits sont « blanchis » par quelques minutes dans de l’eau bouillante puis coupés et mis dans des grands pots de vinaigre blanc.

Le reste de l’année, c’est le travail de conditionnement qui fait flotter une bonne odeur de sous-bois dans toute la maison. Les plus beaux champignons secs sont mis dans des petits sacs transparents fermés par un petit ruban de rafia. Les champignons plus irréguliers sont broyés pour faire de la poudre de champignon qui parfumera certaines recettes de cuisine. Les champignons au vinaigre sont reconditionnés dans des petits pots au couvercle décoré. Dans tous les cas le volume correspond à une utilisation familiale. L’étiquette, très simple, indique « à consommer de préférence avant… », soit un délai de deux ans conseillé par Elisabeth.

Les myrtilles sont triées et revendues en frais mais Elisabeth, après une formation, expérimente une utilisation autre que la confiture.

Comme il n’y a pas de transformation, les normes sont facilement applicables et ne nécessitent pas de gros investissements.

Une autre partie du temps est occupée par la commercialisation, notamment en été: le marché de Grandrieu le dimanche matin, les nocturnes de Mende et du Malzieu et les manifestations spéciales comme Les Toqués du Cèpe à Mende ou la grosse Foire aux Champignons de Saint Bonnet Le Froid.

L’hiver il faut assurer l’approvisionnement régulier d’une dizaine de points de revente en Lozère et des aires d’autoroute. C’est l’occasion de discuter avec les clients et de voir les produits appréciés.

Finalement, Elisabeth est contente d’avoir su faire d’un loisir un métier original qui lui permet de rester à la maison, de travailler à son rythme et de vivre au pays.

* Extrait du Livre « Des femmes & des hommes une histoire de passion » publié en 2015, en vente à Hyper U Coeur Lozère.