Michel Védrines
Les charcuteries de la famille Védrines
Juste au-dessus de Meyrueis, en bordure du Causse Méjean, le hameau du Mas de La Font est adossé à une des forêts qui donnent quelques limites aux paysages immenses.
En passant par le Nord
Après une formation agricole dans le secondaire, Michel travaille sur la ferme familiale, fait son service militaire et l’automne, avec d’autres jeunes, s’en va faire la saison du sucre dans le Nord. Il arpente les champs de betterave avec un collègue de là-haut qui l’invite un jour chez lui.
Sa sœur s’appelle Annie et deviendra l’épouse de Michel, venant s’installer au Mas de La Font, bien loin de sa Somme natale. Annie sera institutrice sur le Causse et, avec Michel et leurs deux enfants, elle contribuera à la dynamique de l’exploitation et à la vie sociale du coin.
En 1976, Michel s’installe comme exploitant avec son père, rejoint par son frère Bernard en 1980. En 1992, ils se mettent en GAEC sur l’exploitation familiale qui couvre pratiquement 600 hectares. Mais il n’y a qu’une trentaine d’hectares cultivées, dans les dolines ou défrichés dans des parties où il y avait assez de terre pour en faire un champ. Malgré tout, chaque labour remonte des cailloux qui étaient, autrefois, ramassés à la main et sont, aujourd’hui, broyés par un concasseur. Avec un rendement bien moyen, cela permet de fournir les céréales et du bon foin au troupeau. Le reste du parcours sert de pâture aux 360 brebis mères de race BMC. Le troupeau ayant augmenté d’une bonne centaine de brebis, des bâtiments modernes sont venus faciliter le stockage du foin et le travail. La production d’agneaux de parcours nécessite qu’ils soient dehors de la naissance en avril jusqu’à la vente entre l’été et l’automne.
Producteur Coeur Lozère
Michel Védrines • Les charcuteries de la famille Védrines
Des brebis mais aussi des cochons sur le Causse Méjean
Les brebis sont bien sûr la base de toutes les exploitations sur le Causse Méjean mais, suivant la conjoncture, il est parfois utile de trouver une production complémentaire. Au début, sur la ferme du Mas de La Font, il y avait les 250 ruches du grand-père. Comme le dit Michel : « à l’époque, il n’y avait pas de mal à produire mais du mal à vendre ; aujourd’hui, c’est l’inverse ». Au fil du temps, le nombre est progressivement descendu à 60 ruches sédentaires qui produisent un miel toutes-fleurs vendu à la boutique de la ferme.
En 1985, les agneaux se vendent mal et les ovins ont été un peu les oubliés des aides européennes. Quelques éleveurs se mettent à envisager des revenus complémentaires, aidés dans leur réflexion par des élèves-ingénieurs d’une école lyonnaise dont le directeur avait une maison sur le Causse. Plusieurs hypothèses sont envisagées : découpe des agneaux, transformation de la laine, apiculture, lapins angoras, canards… Michel et Bernard, choisissent le cochon. Dans ce domaine, il y avait un savoir-faire ancestral puisque chaque famille élevait ses cochons pour sa consommation et les produits pouvaient attendre les nombreux touristes qui montent sur le Causse voir l’Aven Armand. Une coopérative est créée et la production démarre doucement avec quelques cochons. Le GAEC du Mas de La Font, par exemple, commence par 5 cochons puis augmente progressivement pour arriver à 2 bandes de 12 par an maintenant. La volonté est de privilégier la qualité et la plus-value à la quantité et pour cela un cahier des charges est mis en place. Pour la transformation, elle commence à se faire à l’atelier du Centre de formation de Florac, puis avec la bienveillance conditionnelle des services administratifs, ils utilisent l’ancien atelier réformé de la laiterie de Hyelzas. Cela leur permet de tester leur savoir-faire et de s’équiper progressivement, sans prendre trop de risques. En 1992, la communauté de la Vallée de La Jonte, la première constituée en Lozère, construit, à La Parade, un atelier-relai dont ils feront l’acquisition par un crédit-bail. La qualité étant là, les ventes ne posent pas de problèmes avec un débouché commun en hypermarché et des débouchés propres à chacun comme le magasin de la ferme du Mas de La Font tenu par Françoise, l’épouse de Bernard.
Faire vivre le Causse et préparer l’avenir
La coopérative Causses-Lozère regroupe aujourd’hui 9 adhérents. Son originalité, c’est que dès le départ, il a été décidé que les deux piliers en seraient la responsabilité et la convivialité. Responsabilité parce que chacun traite ses propres cochons et en assure la vente individuellement, sauf pour le supermarché où l’offre unique est partagée. Convivialité parce tout le travail de l’atelier se fait sur la base de l’entraide organisée de façon très rigoureuse sous forme de banque de travail. C’est bien sûr, plus contraignant que de déléguer ce travail à des salariés mais c’est aussi un haut lieu de la vie sociale. Le temps passé ensemble à l’atelier est vécu autant comme un moment de rencontre et de convivialité que comme un moment de travail. Michel est resté président de 1989 à 2009 et pendant ces 20 ans, son calme et son humour ont su aplanir les petites tensions qui auraient pu perturber l’harmonie du groupe. Le temps venu, il a su transmettre cette responsabilité à Monique Vergely, une présidente plus jeune. De la même façon, sur l’exploitation, il a veillé à assurer la suite en favorisant l’installation de son neveu. Pour cela, il est redevenu aide-familial de façon à pouvoir transmettre ses parts de GAEC à Sébastien. Aujourd’hui, Michel est à la retraite. Par plaisir, il suit le troupeau et retrouve l’atelier de la coopérative tout en voyant, avec satisfaction, Sébastien construire une nouvelle maison dans le hameau pour abriter sa petite famille avec Marie Line, sa compagne et leur petite Mandy. Pour Sébastien : « paysan ou pas paysan, j’aurais fait tout ce que j’aurais pu pour rester sur le Causse »…mais c’est mieux en étant paysan; une génération de plus de Védrines au Mas de La Font !
* Extrait du Livre « Des femmes & des hommes une histoire de passion » publié en 2015, en vente à Hyper U Coeur Lozère.