René Bruc

Miel du Bougès

A l’abri de la montagne du Bougès et en face de Plan de Fontmort, Les Crozes Bas domine la RN 106 qui serpente dans la vallée de la Mimente entre Florac et le col de Jalcreste. Ce petit hameau typique fait partie de la commune de Cassagnas, haut lieu de l’histoire cévenole.

Les circonstances proposent…

Cela fait plus de deux siècles que la famille Bruc (Bruyère en occitan) est installée sur les contreforts du Bougès; l’arrière grand-père est né sur l’exploitation familiale. Le père de René, docteur en droit, directeur d’usine, était installé dans le Midi. René fait lui aussi des études de droit mais après son service militaire, en 1980, intéressé par l’agriculture, il obtient un Brevet Professionnel Agricole, option apicole, au lycée agricole de Nimes-Rodilhan. 

En 1981, il s’implique en politique et intègre le cabinet du président du Conseil Général du Gard avec la mise en place de la décentralisation: une carrière toute tracée.

Isabelle, son épouse, est fille du notaire de Florac qui avait une propriété agricole sur le Causse Méjean. Après des études de pharmacie, elle commence par des remplacements dans les pharmacies gardoises.

Le frère cadet de René, après des études agricoles au collège agricole de Saint Chély, s’est installé sur l’exploitation familiale. Malheureusement en février 1983, il décède prématurément.

Après un temps d’hésitation, en 1984, René décide de reprendre la ferme. Isabelle trouve un mi-temps de pharmacienne au Collet de Dèze. Ils viennent habiter la maison familiale où ils élèveront leurs deux filles et leurs deux jumeaux nés entre 1985 et 1992. En 1984, Isabelle, à son tour, fait une formation agricole, ce qui lui permettra en 1995 de créer avec René une EARL (Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée). C’est ainsi que les bottes ont remplacé la cravate.

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Le pastoralisme d’abord privilégié

René reprend l’exploitation de 60 hectares en propriété et le fermage d’exploitations voisines. La propriété d’Isabelle, avec une vingtaine d’hectares cultivables, à 25 kilomètres, complètera les 3,5 hectares de bonnes terres pour produire le foin et les céréales nécessaires au troupeau. Les achats de terres porteront la surface à 330 hectares qui s’étendent, d’un seul tenant, du fond de la vallée jusqu’aux crêtes du Massif du Bougès à 1301 mètres. Une grande bergerie est construite pour abriter le troupeau qui comptera, en 1988, jusqu’à 440 brebis de race BMC. Mais la crise des ovins viande s’installe alors que le miel se vend bien. Parallèlement Isabelle trouve un mi-temps de pharmacienne hospitalière à l’hôpital de Florac. La règlementation la fait devenir associée non exploitante avec, comme conséquence, la diminution du troupeau à 100 brebis. En 2012, des vaches de race Aubrac, élevées en plein air avec le label AB (Agriculture Biologique) se substituent aux brebis. Pour continuer à pâturer toutes les surfaces, un groupement pastoral a été crée en 2002 avec un autre éleveur.

A la belle saison, un couple de bergers est embauché pour garder les brebis et chevaux de l’associé, les vaches de René et 500 brebis qui viennent en estive du Causse Méjean et du Gard. Cela permet de valoriser les prairies défrichées sur les crêtes du Bougès et de maintenir le milieu ouvert tout en donnant à butiner aux abeilles, justifiant ainsi le classement UNESCO des Cévennes sur la base de l’agropastoralisme.

Les abeilles et les ressources de la nature prennent le relais

Dès l’installation en 1984, il y avait 150 ruches sédentaires qui produisaient du miel de châtaignier, de bruyère et toutes fleurs. Parallèlement à la diminution du troupeau de brebis, le nombre de ruches a augmenté pour arriver à 250 aujourd’hui. Une grande partie des ruches hiverne dans les basses Cévennes gardoises sur une zone vierge d’agriculture et donc de pesticides. Au printemps, après les premières miéllées, elles transhument, suivant un calendrier assez précis, entre le Causse Méjean, La Vallée Longue, L’Aubrac, la Haute Lozère et bien sûr la Montagne du Bougès. Cela permet de produire 7 à 8 miéllées, offrant à la clientèle une palette de miels très appréciés et récompensés par de nombreuses médailles lors du concours des miels Languedoc-Roussillon – Sud de France. Il y a d’abord les miels polyfloraux aux saveurs variées suivant la région, notamment celui venant du Causse Méjean qui possède la biodiversité florale la plus importante de France. Ils sont complétés par les miels spécialisés de bruyère Erica ou Calune, acacia, châtaignier et même un miel de Camargue récolté à partir d’un miellat Mécalfa. A son installation, l’atelier se trouvait dans une ancienne « clède » où, autrefois, les châtaignes étaient séchées. La diminution du troupeau a permis d’aménager une grande partie de la bergerie en atelier, avec des surfaces de conditionnement et de stockage.

Ces nouveaux locaux et le temps gagné, grâce à la création du groupement pastoral, ont permis de diversifier l’offre faite aux clients du miel. Il y a d’abord eu les confitures, coulis et sirop de myrtilles, profitant des 3 hectares que René fait ramasser au peigne sur ses terres du Bougès. Le sirop lui a d’ailleurs valu plusieurs trophées « Lozère Gourmande ». Il y a ensuite la confiture et les châtaignes au naturel de la variété Pélégrine ou Figarette des châtaigniers d’Isabelle dans la Vallée Longue. Le gibier étant en abondance, la venaison est transformée en terrines de sanglier et de chevreuil au Centre de Formation de Florac. Des paniers gourmands offrent le sucré des miels, confitures et sirops marié avec le salé des terrines. La vente se fait un peu sur place mais surtout en demi-gros en Lozère, dans le Gard et jusqu’à Montpellier, Saint Etienne ou Lyon.

Tout en continuant à faire paître des moutons sur ses terres, René a su tirer parti de ce que la nature offre généreusement dans ces hautes terres cévenoles.

* Extrait du Livre « Des femmes & des hommes une histoire de passion » publié en 2015, en vente à Hyper U Coeur Lozère.