André Hugon

 

Saint Privat de Vallongue surplombe la RN 106 qui, depuis le col de Jalcreste, se faufile dans la Vallée Longue sur 16 kilomètres dans la commune pour déboucher sur l’ancien bassin minier de la Grand Combe.

Un paysan marié à la politique

Issu d’une vieille famille cévenole, déjà recensée sur la commune en 1163, André, qui a aujourd’hui 78 ans vit avec sa sœur (prénom) veuve de 86 ans. A 16 ans, il quitte l’école pour travailler sur la ferme, oubliant son idée de monter à Paris. Guère après son retour de 3 ans de service militaire en Algérie, il s’engage en politique, et pour longtemps. Elu maire en 1965, un peu contre toute attente, pour faire la paix entre deux listes, il le restera jusqu’en 2007. 

Presqu’aussitôt, il succède à un cousin comme conseiller général, devenant le plus jeune et le premier paysan de l’assemblée départementale. De nombreuses réalisations attestent de cette longue vie politique à laquelle il s’est entièrement dévoué, « n’ayant jamais trouvé le temps de se marier avec une femme qui se serait retrouvée souvent bien seule à la maison », étant toujours par monts et par vaux au volant de sa camionnette connue de tous. Il a accompagné toutes les évolutions des Cévennes depuis les installations des néoruraux post soixante-huitards qui faisaient suite aux fermetures des mines jusqu’aux installations plus récentes avec la réhabilitation des châtaigneraies, en passant par le développement du tourisme et des infrastructures qui vont avec. Dès 1964, il fait partie de la commission d’enquête pour la création du Parc National des Cévennes avec cette réflexion : « si le Parc est fait pour nous apporter quelque chose, je suis pour ; s’il est pour nous enlever le peu qu’on a, je suis contre ».

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Laurent Augier • Vache48

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Des brebis et un petit conservatoire des châtaigniers Combale

En 1972, André reprend l’exploitation familiale. Son père exploitait 5 hectares de rochers et châtaigniers en propriété et des terres en métayage depuis 1945 qu’il a acheté en 1960. Par achats successifs, André atteindra 400 hectares, s’étendant à flanc de montagne entre 300 et 1000 mètres d’altitude. Après avoir construit une bergerie en pierre de taille en 1982, il élèvera jusqu’à 500 brebis mères sélectionnées de race BMC. Sa sœur les gardait en tricotant, faute d’avoir eu le temps de poser les 21 kilomètres de clôture nécessaires. Il fut le premier, dans la Vallée Longue, à acheter un tracteur, au lendemain de son élection, ce qui n’avait pas manqué pas de faire jaser. Aujourd’hui, une grande partie du troupeau et des terres qui vont avec, est reprise par un fermier et une autre partie par une de ses deux nièces qui habitent le village.

Mais la grande affaire d’André, c’est les châtaigniers. La caractéristique de la propriété achetée en 1960 était d’avoir 20 hectares de châtaigniers de la fameuse variété Combale. Il existe 3600 variétés en France et André en connait une soixantaine. C’est Monsieur Coq, le responsable de la Compagnie des Chemins de Fer Départementaux (CFD), appelée de façon prémonitoire à l’époque « Compagnie Foutue D’avance », qui l’a ramenée de l’Ardèche pour remplacer les châtaigniers abattus pour fournir le tannin à diverses tanneries de la région. Sa caractéristique est d’être très productive et de donner des châtaignes très bonnes, très blanches et très sucrées mais fragiles. Leurs gros fruits à la peau fine, très peu cloisonnées, permettent d’en faire des marrons grillés ou glacés. Son père en avait greffé sur 5 hectares. A partir des rejets d’un « meinos » (arbres souche), planté à l’époque dans son jardin et reconnu comme porte-greffe national, André a continué à en greffer plus de 400 qui viennent se mélanger aux variétés habituelles Figarettes et Pellégrines. Trois dangers guettent pourtant la châtaigneraie cévenole. Le premier, c’est le remplacement des châtaigniers par les pins douglas et c’est pourquoi André a créé, dès 1972, l’association de défense des châtaigniers. 

Le deuxième, c’est les maladies comme l’andochia ou l’ancre qui provoquent le dessèchement, et il est regrettable que la recherche n’ait pas assez de moyens pour trouver les traitements. Le troisième plus sournois, c’est le réchauffement climatique qui insensiblement diminue le temps de repos et de descente de la sève des châtaigniers.Encore aujourd’hui, André continue à réhabiliter ses « mazières » (châtaigneraie autour du mas), entraînant ainsi d’autres propriétaires pour que la châtaigne retrouve sa place dans l’économie cévenole, notamment pour les jeunes qui s’installent.

Né dans les châtaignes et nourri par les châtaignes

Aujourd’hui André produit 15 à 20 tonnes de châtaignes par an qui sont certifiées bio depuis 1982. Né dans les châtaignes, il continue à être nourri par les châtaignes même s’il n’est plus obligé d’en manger trois fois par jour comme pendant la guerre. Autrefois les châtaignes étaient ramassées par les mineurs de la commune après leur journée de travail et leurs familles : elles étaient 72 au début de son premier mandat de maire. Maintenant, ce sont des grands filets posés au sol qui recueillent les châtaignes. Par tradition mais aussi compte tenu du relief particulièrement pentu de ses mazières et de la fragilité de ses Combales, André continue à ramasser à la main avec son équipe vieillissante mais fidèle de ramasseuses. Une partie est vendue en frais à Verfeuille. Le reste est séché dans la magnifique « clède » (séchoir) refaite à neuf. Le séchage prend deux mois et nécessite d’approvisionner la chaudière deux fois par jour avec 150 kilos de bois des « cabasses » (souches) ou autres bois provenant du nettoyage des châtaigneraies. L’essentiel des châtaignes séchées est vendu à Fariborne qui en fait de la farine. Une partie est gardée pour occuper les fins d’après-midi hivernales d’André et sa sœur. Ils passent ainsi deux heures à décortiquer, trier les plus belles,nettoyer et ensacher un grand seau de châtaignes qui seront ainsi mieux valorisées.

Pour André, les châtaignes, c’est l’essentiel de son revenu et de son temps mais c’est surtout l’essentiel de sa fierté de paysan cévenol.

* Extrait du Livre « Des femmes & des hommes une histoire de passion » publié en 2015, en vente à Hyper U Coeur Lozère.